Cher Maurice,
C’est une immense peine qui m’a envahi quand j’ai appris cette triste nouvelle. Toutes mes pensées vont à Cecilia, à Paul, le fils de Maurice, que je n’ai pas eu l’honneur de connaître, à tous ses proches et à tous ses amis.
J’ai une pensée particulière pour ses anciennes doctorantes et ses anciens doctorants, notamment celles et ceux dont l’origine sociale ne les destinaient pas particulièrement aux études supérieures, qu’il a accompagnés jusqu’à la thèse, et dont il a soutenu souvent avec de grands efforts, l’accession à la profession enseignante et à la recherche en université.
C’est une immense perte pour la communauté internationale des sciences de l’éducation qui lui doit tant.
Maurice a non seulement éclairé de ses lumières la condition enseignante au Québec, et au Canada, ses évolutions, les défis à relever, mais il a aussi apporté sur ce sujet un paradigme explicatif à l’échelle internationale. Sa très grande culture, aussi bien philosophique, historique, humaniste, a donné à ses travaux une capacité explicative qui dépasse toutes les frontières et suscite des travaux de comparaison fructueux sous les deux hémisphères.
Tous ceux qui ont eu la chance d’approcher Maurice Tardif ont senti derrière le savant, derrière l’homme de science, une personne qui portait des valeurs de progrès, inlassablement combattante et indignée contre les inégalités sociales, contre les injustices, en faveur de l’égalité des femmes et des hommes, en faveur du lien social, en faveur de la solidarité entre toutes les conditions de l’humanité, sur tous ses tropiques et toutes ses latitudes à la surface de cette Terre.
Maurice n’était pas seulement un savant, c’était aussi une figure attractive mais non charismatique car fondée délibérément sur la rationalité qui consiste à toujours administrer la preuve de ce qu’on avance par une éthique de la discussion.
Je ne crois pas qu’il se serait défini comme un mentor, mais plutôt, comme un accoucheur d’esprit, en référence à la philosophie grecque qu’il connaissait si bien.
C’était aussi un grand administrateur, un chef d’équipe, soucieux que chacun puisse exprimer son point de vue sans imposer le sien par un argument d’autorité. Toujours convaincre, et non contraindre.
Maurice Tardif n’a jamais cessé de miser sur la capacité de l’éducation à entraîner l’humanité vers un monde meilleur. Mais il n’a pas méconnu, bien au contraire puisqu’il les a dénoncés, les travers d’une société ultra-mercantile, conservatrice des inégalités, qui peu à peu, dégrade la profession enseignante, altère les signes de sa reconnaissance sociale et obscurcit sa mission. Cette question le préoccupait beaucoup dans ces derniers travaux, et je suis de ceux qui pensent qu’elle doit nous inspirer pour relever le flambeau qu’il avait si haut porté pour l’école, une école ouverte sur le monde, en faveur des valeurs de l’égalité et de la démocratie.
Merci, Maurice,
Bruno