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Description
Le corps et les émotions ont longtemps été considérés comme des éléments perturbant le jugement, c'est-à-dire la raison. Or, il est désormais reconnu que sans eux, impossible de prendre des décisions[2]. Il ne s’agit, bien entendu, pas de nier le rôle parfois perturbateur des émotions dans les apprentissages notamment, mais de rappeler « que la capacité à exprimer et ressentir des émotions est indispensable à la mise en œuvre des comportements rationnels »[3]. Autrement dit, en l’absence d’émotions, impossible non seulement d’apprendre mais également d’anticiper[4]. C’est d’ailleurs précisément sur ces traces somatiques que les enseignants d’EPS, entre autres, misent pour que les élèves puissent, après plusieurs tentatives d’un exercice, réussir un mouvement et être capables de le reproduire par la suite. Ne dit-on pas « je le sens bien » (en référence à un déjà-ressenti) pour signifier que l’on va réussir une action ! Par ailleurs, quel enseignant n’a pas remarqué que les élèves apprennent également en marchant, en bougeant, en courant, en se déplaçant au sein de la classe[5] ? Tout ceci indique que les décisions prises sont toujours sous-tendues par des réactions physiologiques inscrites dans le corps.
Pourtant, quand bien même l’école fourmille de corps-en-mouvement, force est de constater que le législateur n’en fait pas grand cas. La considération de ce qui meut le corps des élèves et, à plus forte raison, sa prise en compte dans l’éducation font en effet peu l’objet d’une réelle réflexion didactique. Pour l’institution, tout se passe comme si les émotions et leurs manifestations corporelles ne relevaient pas de son périmètre de compétences[6]. Les programmes, tout comme la formation initiale des enseignants, révèlent toujours une forte prépondérance de l’enseignement des connaissances et très peu de temps alloué à la promotion des compétences sociales et relationnelles[7]. Sans doute faut-il y voir la marque de fabrique de l’école républicaine – largement inspirée par le système religieux – dont l’objectif affiché a toujours été d’instruire l’élève par la raison plus que par l’expérience[8]. En s’adressant seulement à des élèves, l’Ecole fait le choix, à l’instar de l’Eglise, de laisser le corps de l’enfant à la porte du sanctuaire.
A l’évidence, la tradition pédagogique française considère toujours les corps et les émotions non comme des partenaires mais bien plus comme des obstacles aux apprentissages. Aujourd’hui encore, à part le cours d’EPS, très peu de disciplines offrent cette possibilité de conjuguer corps, émotions et esprit. Les disciplines dites intellectuelles semblent résolument malentendantes quand ce n’est pas sourdes aux signaux émis par les corps. Sans conteste, le credo de l’école de la république consiste, encore au 21ème siècle, à s’adresser à un élève désincarné, c'est-à-dire à un puresprit. Rien d’étonnant donc à ce que les enseignants soient peu nombreux à accorder du crédit aux émotions et par ricochet aux corps dont le rôle crucial dans les apprentissages est désormais connu[9]. Tout bien considéré, le corps demeure « le grand absent, le méconnu, le dénié dans l’enseignement[10] ». Si l’on tient cette assertion pour vraie, alors le bon sens commande d’ouvrir plus grand la porte de l’école aux corps et aux émotions. La journée d’étude du 26 mai sera l’occasion d’échanger sur cette possible ouverture à partir de 5 axes thématiques.