Conférencière/Conférencier
Philippe Chaubet est professeur régulier au Département des sciences de l’activité physique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il a fait un postdoctorat en éducation à l’UQAM, détient un doctorat en sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, une maîtrise de français langue étrangère de l’Université de Franche-Comté, un DESS de management culturel de l’Université Paris 8 et un baccalauréat (licence) de langue et civilisation chinoises de l’Institut national des langues et civilisations orientales, majeure traduction/interprétation (Langues’O, Paris). D’abord enseignant au supérieur en Asie, où il a appris et enseigné des arts martiaux et arts de santé chinois, il a poursuivi sa carrière universitaire au Québec, en éducation. Ses travaux sur la pratique réflexive abordent la pédagogie universitaire, les dispositifs d’apprentissage en contexte d’alternance, le développement des compétences en formation initiale, le développement professionnel en milieu de travail, le rôle des divers compagnons réflexifs pendant les études et en situation de travail. Depuis quelques années, il s’intéresse aux organisations apprenantes, notamment à ce qu’on peut appeler les écoles apprenantes, qui favorisent la réflexivité collective, le développement professionnel et la qualité de vie au travail et aux études. C’est à ce titre qu’il se penche actuellement sur les organisations qui pratiquent et encouragent des pédagogies « différentes », typiquement le Réseau des écoles publiques alternatives du Québec (RÉPAQ; 45 écoles et « volets »), et sur certains réseaux d’écoles innovantes d’Europe et d’ailleurs.
Description
Les « écoles et pédagogies différentes » (Groux, Hugon et Viaud, 2017) croissent dans le monde depuis plus de 50 ans, avec un net engouement ces dernières années (Wagnon, 2019 ; Viaud, 2017). Véritables laboratoires pédagogiques, ces écoles restent minoritaires et en proie à des mythes extraordinaires. Les articles scientifiques en éducation qui en traitent sont nécessaires, mais rares et généralement focalisés sur un très petit nombre d’écoles (souvent une seule, pour de simples raisons pratiques). Des écrits professionnels à empan large, consensuels et participatifs comme celui des 17 « conditions pour naitre et se développer » du Réseau des [45] écoles publiques alternatives du Québec (RÉPAQ, 2014) sont fort instructifs, mais gardent une facette militante qui jette un doute : part du réel, part de l’idéal ? Il manque une vision systémique et scientifique, dans un vocabulaire accessible, pour mieux la partager avec chercheurs, parents, élèves, administrateurs et décideurs, afin de les aider à comprendre les modes de fonctionnements « différents » de ces écoles et leurs effets à court et long terme. L’étude commence en 2021 par 16 entrevues qualitatives semi-structurées d’acteurs adultes de 10 écoles du RÉPAQ, au Québec — enseignant.e.s, parents, directions, etc. La pandémie COVID-19, dans tout son malheur, fait un bon agent contrastant : à partir d’exemples concrets, quels fonctionnements essentiels ont été interrompus et doivent absolument être réanimés après la pandémie ? En 2022 et 2023, c’est au tour de 80 ancien.ne.s élèves, issus de 26 écoles de trois pays — Canada (Québec), France et Belgique, de compléter le tableau à partir de leur point de vue de témoins légitimes. La triangulation se concentre sur des écoles « alternatives », publiques ou assimilées (essentiellement non privées, non sélectives, non élitistes), suivant « en miroir » un programme scolaire national et laïque. Les entretiens filmés relèvent des expériences de première main, illustrées d’anecdotes concrètes, autour de cinq thèmes : 1) des expériences positives vécues dans ces établissements (pour dégager des fonctionnements transversaux potentiellement reproductibles dans tout le réseau éducatif) ; 2) les transitions alternatif/« régulier » ou inversement ; 3) les « héritages » perçus (sentiment que l’école a contribué à telle ou telle façon d’être, de voir les choses ou de les faire) ; 4) les liens potentiels entre le vécu dans ces écoles et les héritages perçus ; 5) les liens potentiels entre l’activité physique de l’époque et actuelle des participants. Une description émerge peu à peu des vécus expérientiels : 1) un « cadre sécurisant » pour les élèves, qui se renforce mécaniquement dans le temps ; 2) deux forges d’apprentissages, l’une individuelle (sur les « matières » — français, maths, géographie, etc.), l’autre collective, orientée sur l’amélioration continue du vivre-ensemble à l’école. La transition alternatif-régulier, quant à elle, est toujours vécue comme un choc thermique incompréhensible, mais rapidement métabolisé. Sur le plan du niveau scolaire, l’angoisse de la « marche haute » est infondée : l’un dans l’autre, les ancien.ne.s de l’alternatif ne repèrent pas de différence de niveau académique entre eux/elles et leurs pair.e.s du régulier. Enfin, on relève une vingtaine d’héritages, les mêmes au Québec, en Belgique et en France : aimer l’école, aimer apprendre, être curieux, adaptables, ouverts à la différence, empathiques, autonomes, responsables, etc. Ces ancien.ne.s le ressentent comme une nette plus-value dans leur vie professionnelle et personnelle.
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